Le commissariat était très calme en ce dimanche après-midi. Bernard avait eu le temps de manger son moelleux au chocolat – quel luxe – en buvant un second café. Celui du commissariat laissait à désirer…il n’y avait pas de budget pour acheter une nouvelle machine à expresso.
Il avait offert le second gâteau à Marguerite, son acolyte, de garde avec lui ce week-end-là. Marguerite était très assidue dans son travail, de l’administratif, de la paperasse et du reporting, quel ennui.
Il avait dû faire sa part du travail également, de bonne grâce aujourd’hui, sans grommeler comme il le faisait fréquemment.
Cette tâche fastidieuse était désormais achevée et il se mît à réfléchir.
Imperceptiblement, heure après heure, Bernard s’était senti mieux, il devinait enfin pourquoi.
Bernard repensait à sa brève rencontre avec le couple Y. Il ne s’attendait pas à les croiser, pensant qu’ils avaient quitté la Lorraine après le drame. Il avait soigneusement évité de montrer sa surprise et après avoir échangé des banalités d’usage au café, il avait éludé la conversation puisqu’il devait rejoindre son lieu de travail.
Le rôle de Bernard dans la résolution de leur dossier avait été crucial.
Il avait ainsi prouvé toutes ses compétences humaines et techniques et mis à profit son expérience de terrain.
Les Y ne l’oublieraient jamais. Il avait bien senti le regard appuyé de Mme Y, la poignée de mains ferme et longue de M.Y et le ton de son « au revoir », ponctué d’un « à bientôt ? ».
Bernard souhaitait-il traiter une autre affaire retentissante ? Quel sens donnait-il désormais à sa vie ? A son travail ? Depuis le décès de son épouse Monique, le sillage de sa vie s’était dilué dans le chagrin puis dans l’oubli.
Il devait son entrain au travail et à la musique, au jazz plus précisément.
Agir et foncer, c’était aller de festival en concert. Le jazz le galvanisait et calmait les incertitudes qui le taraudaient. Bernard se laissait emporter par le rythme, la couleur des notes, la dynamique des jam sessions.
La convivialité des échanges avec des habitués ou des musiciens attisait ce sentiment d’appartenance à une famille dont il se sentait privé.
Agir et foncer, c’était son lot quotidien au travail entre deux blagues potaches.
Marguerite lui apporta une chemise cartonnée. La mention « à traiter dimanche 27 mars – urgent » le tira de ses rêveries musicales. L’adrénaline parcourut son échine.
Une fiction imaginée par Sylvie, participante à l'atelier d'écriture à la manière de Sophie Calle, animé par Jérémy Bracone, suite à une filature en extérieur en mars 2022.