« Enfant, mon rêve secret était d’écrire »

Un entretien de Jérémy Bracone avec Pierre Théobald publié sur La Semaine le 18 mars 2022.

Pierre Théobald : Sculpteur, dessinateur, et désormais auteur : le jour où vous avez fait le choix d’une carrière artistique ?

Jérémy Bracone : « Sur le tard. Ce n’est qu’à l’âge adulte que je suis entré pour la première fois dans un musée. Ayant grandi à Villerupt, l’accès à la culture était compliqué. La bascule s’est faite par le biais d’un ami, prof aux Beaux-Arts. Il m’a mis le pied à l’étrier en me demandant un coup de main pour une série de travaux. Je me suis pris au jeu. Mais n’ayant pas fait d’études, ayant arrêté l’école au lycée, j’ai longtemps eu le syndrome de l’imposteur. En vérité, depuis l’enfance mon rêve secret était d’écrire. Je me revois, en classe de CP, rédiger mon premier poème. Je croyais à l’époque que les écrivains vivaient les mêmes aventures que leurs personnages ; le meilleur boulot du monde ! »

P.T : Le jour où vous avez rompu avec la Lorraine ?

« Vers 25-26 ans. À destination des Alpes, par soif de nature et d’environnement propice aux activités extérieures. J’y ai vécu jusqu’à l’année dernière. Aujourd’hui, je suis installé en Gironde, au bord de l’océan. À nouveau un changement radical. Plus que des impératifs professionnels, ce sont des terrains de jeu que je cherche à chaque fois. Pour me ressourcer. »

P.T : Le Pays-Haut est un personnage à part entière de « Danse avec la foudre » : le jour où vous avez compris d’où vous veniez ?

« En partant, justement. Plusieurs années après, j’ai découvert ce qui faisait la particularité de ma région. C’est cela qui m’a permis d’approfondir le sujet dans la version définitive du texte. J’ai le souvenir des friches, des bâtiments rouillés, des galeries de mine dans lesquelles on allait jouer en cachette. Le paysage a évolué, et c’est très bien. Mais ce qui est également en voie de disparition – et c’est le sujet de mon roman –, c’est la communauté, ce “vivre ensemble” que j’ai connu quand j’étais gosse. Tout le monde vivait dehors. Maintenant, quand je rentre, passé 8 h du soir, je peux traverser tout Villerupt sans croiser personne… »

P.T : Le jour où vous avez posé vos premiers mots ?

« J’ai toujours écrit, mais c’était une activité discrète, seuls les amis proches étaient au courant. Je m’y suis mis très sérieusement entre 20 et 25 ans, en vue d’être un jour publié. Pour “Danse avec la foudre”, j’ai eu un premier éditeur en 2007. Je n’y croyais pas, je ne réalisais pas. La peur que tout s’écroule. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit : la maison d’édition a fait faillite quelques mois avant la date de sortie du livre. Une énorme déception. De colère, j’ai foutu le manuscrit dans un tiroir pour ne plus y toucher. C’est à ce moment-là que mon ami plasticien, pour me changer les idées, m’a proposé de travailler à ses côtés. »

P.T : Le jour où vous avez tout de même repris le texte en main ?

« À un moment où j’ai commencé à m’ennuyer un peu dans mon activité de plasticien. J’y trouvais moins mon compte, l’inspiration partait. Une amie m’a reparlé du roman. Moi, je ne l’avais jamais relu. J’étais resté sur l’idée que c’était catastrophiquement nul. À titre de test, je l’ai envoyé à une maison, L’Iconoclaste. L’éditrice m’a contacté une semaine après. De nouveau, je n’y ai pas cru. »

P.T : « Danse avec la foudre » a trouvé un public. Le jour où il a fallu retourner au charbon, en vue d’un deuxième roman ?

« J’ai eu besoin d’un an pour trouver le courage de m’y remettre. Il y avait un refus de ma part, je savais à quel point c’était chronophage, quelle énergie cela demandait. Mais maintenant ça y est, je suis dedans, je suis prêt, bien installé dans mon histoire – un road-trip dans l’Amérique des années 1960. Pour moi, c’est une évasion. Quand on s’attelle à l’écriture d’un roman, il faut avoir plaisir à retrouver ses personnages car c’est avec eux que l’on passe l’essentiel de ses journées – entre quatre et six heures quotidiennes. J’y vois comme une vie parallèle. »

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