Filature #9 : Le chien

Trop … Pas assez … Jamais comme il faut !

Moi, le Chien, j’envoie cette lettre de réclamation à la Société Protectrice des Animaux. En effet, selon que c’est mon maître ou ma maîtresse qui s’occupe de moi, dans le premier cas, tout va trop vite, je n’ai le temps de rien, et dans le second cas, tout est trop long, et je n’ai pas le temps de m’occuper de mes affaires.

Prenez la première sortie, le matin, à six heures : après une longue nuit, il est urgent que je fasse mes besoins dans le jardin. Quand c’est le maître qui intervient, cela va très vite : il passe un manteau sur son pyjama, enfile une vieille paire de savates, et me voilà illico dans le jardin, me mettant à l’aise … Mais quand la maîtresse s’en charge, elle se prépare, se débarbouille , se maquille, se farde, se coiffe : elle passe une demi-heure dans la salle de bain, puis passe une robe et un manteau : ceci est cause d’accidents et de fuites de ma part dans l’appartement.

Même topo pour mes deux promenades quotidienne, l’une vers 10 heures du matin, l’autre vers 16 heures.

Quand le maître prend en charge cette activité, c’est une affaire vite expédiée : il sort dans l’état dans lequel il se trouve, et prend toujours le même chemin ; le pas est rapide, et même précipité, et cela dure tout au plus vingt minutes.

Par contre, quand c’est la maîtresse qui s’occupe des deux promenades, d’abord le temps d’attente du départ est long : elle se pare dans la salle de bain, sortant endimanchée, comme si elle se rendait à une fête. Je suis fébrile, impatient, avec du mal pour me contenir.

Lors des promenades, j’aime bien m’attarder à chaque poteau électrique, à chaque tronc d’arbre, afin d’emmagasiner toutes les odeurs possibles dans ma bibliothèque, repérer les nouveaux collègues arrivant, et enfin déposer quelques gouttes d’urine pour marquer mon passage. J’adore aussi donner de la voix, et manifester mon territoire quand je rencontre un voisin grincheux. Ensuite, quand je rencontre un copain ou une copine, nous nous présentons l’un à l’autre, et j’examine sa carte d’identité par derrière.

Mais imaginez avec le maître ! Tout va à la va-vite. Il manque de patience . Il salue rapidement les autres promeneurs et ne prend le temps de rien, tirant comme un diable sur ma laisse !

Par contre, avec la maîtresse, tout est trop long : elle s’arrête avec chaque voisin ou voisine, papote de choses et d’autres inintéressantes, comme si c’était sa promenade et non la mienne. De plus, elle ne s’arrête jamais avec les congénères qui me sont le plus chers … Et impossible de flairer toutes les odeurs …

C’est pourquoi j’adresse cette réclamation véhémente à vous, amis des chiens, pour que vous interveniez d’urgence et fassiez l’éducation de ma maîtresse et de mon maître.


Une fiction imaginée par Jean-Bernard, participant à l'atelier d'écriture à la manière de Sophie Calle, animé par Jérémy Bracone, suite à une filature en extérieur en mars 2022. 

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